mercredi 8 juillet 2015

La fan fic' Episode 1 : Présidentiel


Sarajevo – Tours UNIS – Bureau de la Conseillère Spéciale du peuple bosniaque

Les Tours UNIS sont emblématiques de la résistance de Sarajevo à trois années de siège. Deux immeubles de verre et de béton, érigés dans le centre de la ville, et que des bombardements quotidiens n’ont jamais fait vaciller. Ravagées, brûlées, éventrées, les tours jumelles ont lutté, survécu et vu passer vingt ans de reconstruction. Dans cet endroit symbolique, chaque Conseiller Spécial des peuples de Bosnie-Herzégovine s’est vu attribuer un étage pour y établir son équipe et ses quartiers.

Appuyée contre son fauteuil, Nele fixait HJ, s’interrogeant sur la manière de présenter les choses. Il y avait beaucoup à dire mais si peu de manières de le faire. De bien le faire. Etait-il innocent au point de ne pas comprendre pourquoi elle l’avait convoqué d’urgence ? Etait-il négligent au point de ne pas avoir saisi ce qu’il faisait là ? En avait-elle trop demandé à quelqu’un qui ne savait pas ? Elle se redressa lentement, marqua une légère inclinaison de la tête pour réunir ses idées et se lança :

-          HJ, j’aimerais qu’on fasse le point sur les invitations que tu as envoyées pour notre cérémonie d’investiture au Parlement.
-          Le cocktail de bienvenue ?
-      Le…  Non, ce n’est pas un cocktail de bienvenue. C’est la cérémonie par laquelle le Parlement investit les trois Conseillers Spéciaux de la mission de faire entrer la Bosnie-Herzégovine dans l’Union européenne. On va prêter serment sur la Constitution et les députés voteront solennellement la loi qui nous donne les pouvoirs de réformer le pays. Ça n’a à peu près RIEN à voir avec un cocktail de bienvenue !
-          Mais y’a un cocktail après ?

Nele écarquilla les yeux et secoua furtivement la tête. Ignorant la question, elle ouvrit le dossier qui se trouvait devant elle et parcourut des yeux un document qui, à la distance à laquelle HJ pouvait l’apercevoir, semblait être une coupure de presse. 
 
-          HJ, je voudrais savoir une chose : c’est quoi Hrvastka, selon toi ?
-          C’est une ville ! répondit HJ, ses grands yeux bleus pétillant de confiance.
-          Et, toujours selon toi, où se situe cette… ville ?
-         Ah ça, je sais pas, mais comme tu m’avais dit d’inviter leur maire, je lui ai envoyé un fax.
-     Ce n’est pas exactement ce que j’avais dit. Je t’avais demandé d’inviter le Président d’Hrvastka.
-         Oui, le Président du Conseil municipal d’Hrvastka. Donc, le maire. Tes consignes étaient pas super précises, mais j’ai corrigé.
Un rictus se dessina sur le visage de la Conseillère.

-          Ok… HJ, en croate, Croatie se dit Hrvastka.
-          Comme la ville ?
-          Ce n’est pas une ville. Son Président n’est pas un maire. Hrvatska, c’est la République de Croatie.
-          Ils n’ont pas de maire à Hrvastka ?
-          C’est un pays ! Tu le fais exprès ou quoi ? C’est comme si tu avais envoyé une invitation à François Hollande, maire de la commune de France, en France !
-          Ah ouais… Je vois ce que tu veux dire, y’a une nuance…
-          Une… une nuance ? 

Nele sentit son échine se raidir à mesure que sa bouche s’entrouvrait sans qu’aucun son ne puisse plus en sortir. De l’autre côté du bureau, HJ pouvait soupçonner qu’il y avait un problème, qu’il n’avait pas donné la réponse qu’on attendait de lui ou qu’il avait peut-être commis une erreur en envoyant ses invitations, mais il ne parvenait pas réellement à identifier le problème. Il regarda par la fenêtre un instant et sembla recevoir une révélation :

-          Il l’a pas bien pris, c’est ça ?
-          Effectivement, non, il ne l’a pas bien pris, appuya Nele. Est-ce que tu sais comment on appelle un Président qui ne prend pas bien une invitation ?
-          Un maire ?
-          Un incident diplomatique, abruti ! cria Nele, claquant son poing serré sur le bureau.

HJ s’enfonça maladroitement dans son siège. Sans bien savoir quelle réalité recouvrait l’incident diplomatique, le mot sonnait comme quelque chose de sérieux et il avait la sensation que son invitation manquée venait de prendre une tournure dérangeante.

-          Est-ce qu’il va me convoquer ?
-          Te convoquer ? J’aurais beaucoup aimé, ça t’aurait fait les pieds, mais non, ce n’est pas la réponse qu’ils ont choisie. Son cabinet a préféré nous faxer une carte de la Croatie ainsi que 450 pages d’un dictionnaire franco-croate que notre fax éructe depuis ce matin. Et j’allais oublier le meilleur : ils ont prévenu la presse.

Nele sortit du dossier la page de journal qu’elle avait rapidement regardée plus tôt et la brandit en direction d’HJ. En titre d’un petit entrefilet, on pouvait lire : « Nele V., lost in translation, la Conseillère Spéciale invite le maire d’Hrvastka ».



Sarajevo – Parlement de Bosnie-Herzégovine – Cérémonie d’investiture des Conseillers Spéciaux

L’huissier d’audience avisa Nele et lui demanda de le suivre jusqu’à l’antichambre de l’assemblée. La jeune femme adressa un rapide signe à son équipe et commença à suivre l’officier quand elle se ravisa et revint vers HJ. Le prenant à part, elle lui murmura :

-          Bon, tu essayes de te tenir correctement et tu n’applaudis pas quand Ibrahimovic me fait prêter serment.
-          Ibrahimovic sera là ?
-          Evidemment qu’il sera là, c’est le membre bosniaque de la Présidence !
-          Ah ! Mais c’est énorme ! Comment il a fait ?
-          Comment il a fait ? Mais il a été élu ! Comme les deux autres ! HJ, je voudrais vraiment que tu fasses un effort. Je sais que c’est pas facile pour toi, que c’est un nouveau pays, un nouveau travail, une nouvelle vie. J’ai peut-être été un peu dure avec toi sur l’invitation du Président croate, mais je voudrais que, pour le moment, tu essayes de ne pas te faire remarquer. C’est un moment important pour nous et pour le peuple bosniaque. Alors, s’il te plaît.
-        Ne t’en fais pas, maintenant que je sais qu’Ibrahimovic sera là, je ne vais pas bouger d’un cil.
-          Merci, ponctua Nele en tapotant l’épaule de son collaborateur, rassurée et confiante. 

Quelques minutes plus tard, Hassan Ibrahimovic, Président en exercice de la Fédération, recueillait les serments des trois Conseilleurs Spéciaux. L'hymne bosnien inonda l’hémicycle comble. Nele savourait cet instant parfait où le pays qu’elle aimait tant lui faisait l’honneur de contribuer à son histoire. Débordante de fierté, elle ferma les yeux sur la dernière note. Et une fois celle-ci évanouie, l’assistance entendit résonner la voix d’HJ :

-          Il arrive quand, Zlatan ?



NB : les noms des officiels ont été changés afin de souligner, encore une fois, que ceci n’est qu’une fiction (mais aussi par facilité scénaristique).

jeudi 2 juillet 2015

Tonight we dine in Sarajevo - la Fan fic - Episode 0

Il y a quelques mois, je t'avais demandé sur Facebook si une fan fiction de Kaamelott, ça t'intéressait... Et t'as pas répondu ! Alors, moi, j'étais super triste... Super vexée, en fait. Et puis, je t'ai compris aussi : je suis la première à fuir quand je vois écrit "fan-fiction". Pour faire simple, une fan-fiction est un texte, souvent une nouvelle, écrit sur la base d'un univers inventé par un autre auteur et qui en reprend les personnages, les décors et les codes. Ce sont des histoires inventées par les fans à partir de l'univers original : "fan-fiction". Je n'en ai pas souvent lu de bonnes, je n'en pas lu des tonnes non plus.

Parfois, les auteurs prennent de grandes libertés avec l'univers d'origine et ne conservent que la trame, l'intrigue ou le schéma narratif. Par exemple, 50 shades of Grey est, à la base, une fan fic de Twilight. Eh voilà ! En voulant t'expliquer, j'ai dû mentionner ces deux immondices éditoriales (non, je ne dirai pas littéraires, te fatgue pas !). En même temps, c'est l'exemple le plus évident et le plus compréhensible que j'ai trouvé parce que j'ai eu la flemme de chercher mieux.

Mais ! D'abord, tu m'as vexée dans mon petit orgueil quand t'as pas répondu à ma proposition (bancale). Alors, j'ai décidé que j'allais quand même essayer de l'écrire, cette fan fic. Voilà. Je suis une fille cool, je choisis d'écrire sur ce qui ne t'intéresse a priori pas (mais quand même, essaye de lire le premier épisode et si t'es pas convaincu, je t'enverrai moi-même des pierres et un billet jusqu'à La Haye pour que tu puisses m'expliquer que depuis le début, tu savais que c'était une mauvaise idée). Ensuite, c'est une fan fic' dont j'ai eu l'idée quand j'étais à Sarajevo, qui se passe à Sarajevo, et vu que le blog s'intitule comme tu le sais, je ne voyais pas de meilleur endroit pour essayer de lui donner un début d'existence. Et puis, après tout, si ça te plaît pas, tu n'auras qu'à t'éclipser à pas de loups et je ne t'en voudrai pas.

Donc, comme ça part mal, on va vraiment faire un début bâclé. Je devrais normalement te faire un joli prologue qui t'explique qui sont les personnages principaux, pourquoi l'histoire se déroule à Sarajevo, comment l'intrigue débute, etc. Mais en fait, j'avais dans l'idée de faire des textes relativement courts pour chaque épisode, histoire de respecter le format initial de Kaamelott. Ensuite, Kaamelott, si tu te souviens bien, ça commence de manière assez abrupte. Ce n'est qu'à la saison 6 que tu découvres ce qui s'est passé avant la construction de Kaamelott. Et enfin, euh... j'avais pas des masses de temps, donc je me suis dit qu'on pouvait peut-être s'en tenir à une présentation relativement succinte de tout ce que tu dois savoir pour lire (apprécier) l'épisode 1.

Ni une, ni deux, fan fictionnons ! 

En 2015, l'Union euiropéenne compte 28 Etats membres depuis l'entrée de la Croatie (non, continue, je te jure, ça ne parle pas de droit européen... enfin, pas trop). Alors que la Serbie et la Macédoine veulent intensifier les négociations afin de rejoindre l'Union au plus vite, la Bosnie-Herzégovine ne parvient pas à rattraper le retard de développement accumulé depuis la fin de la guerre. Dans un pays profondément divisé par une société fondée sur les groupes ethniques, la présidence est assurée par un trium vira composé d'un Bosniaque, d'un Serbe et d'un Croate, assurant la fonction de Président de la Fédération à tour de rôle.

Las, le parlement adopte le projet Impulsion dans le but d'accélérer le développement du pays et de lui permettre d'intégrer l'Union européenne en même temps que les autres républiques candidates d'Ex-Yougoslavie. Le texte prévoit une série de réformes à adopter dans un délai de 3 ans et la nomination, pour les réaliser et les mettre en oeuvre, de trois Conseillers Spéciaux, représentant les intérêts des trois communautés. Le membre croate de la Présidence désigne un diplomate croate, le membre serbe chosit une haute-fonctionnaire serbe de Bosnie, alors que le membre bosniaque nomme, contre toute attente, une jeune avocate franco-belge, Nele Vanvoren.

Les média raillent une désignation réalisée en dépit du bon sens et accusent déjà le Président bosniaque de vouloir saborder Impulsion. Nele Vanvoren est décrite comme une arriviste inexpérimentée, ayant prêtée serment quelques mois plus tôt et ne connaissant pas suffisamment le pays. Certains journaux n'hésitent d'ailleurs pas à rappeler que ce ne serait pas la première fois que la France ferait du mal à la Bosnie. Dans cet atmosphère de défiance et de moquerie, Nele arrive en Bosnie-Herzégovine et consitue son équipe. De France, elle a recruté un collaborateur, Henri-Jean Favereau, un ancien compagnon de promo, fraîchement licencié du cabinet où il exerçait. Sur place et dans l'urgence, elle engage trois collaborateurs bosniaques, rencontrés quelques années plus tôt lorsqu'elle vivait à Sarajevo : Camil, Selma et Adnin. En quelques jours, Nele Vanvoren devient la Conseillère Spéciale de la communauté bosniaque.

Eh voilà ! C'était pas bien long non plus !

On va finir par le disclaimer :

- Non, je ne suis pas Nele ou Nele n'est pas moi, ni une émanation de moi, ni une version de moi améliorée. Nele est un personnage fictif que j'ai inventé et même si je lui ai donné des éléments de background qui peuvent faire penser à mon propre background (avocat, Sarajevo, droit européen), c'est clairement un personnage fictif. 

- Les éléments politiques expliqués sont mi réels, mi-fictifs : la Bosnie-Herzégovine est bien une fédération dirigée par une présidence tournante de 3 Présidents représentant les 3 communautés du pays. L'organisation politique et administrative est bien fondée sur la répartition ethnique (qui est une règle constitutionnelle), et ça sera, je pense, l'un des ressorts de l'histoire. Pour cette raison, Impulsion n'aurait aucune chance d'exister en vrai.

- La plupart des procédures décrites sont fictives ou simplifiées à l'extrême, parce que ça m'arrange, déjà, parce que c'est moins chiant pour toi (non, ça ne parlera pas de droit), et parce qu'il va probablement m'arriver de décrire des boulettes légales énormes et des comportements allant à l'encontre de la déontologie des avocats, des politiciens et des journalistes. Donc, que ce soit clair, ce n'est pas un encouragement à commettre ce genre de comportements. C'est juste une fiction. 

- Je NE suis PAS Nele ! 

- Les autres personnages sont inspirés de gens que je connais, avec des traits extrêmement grossiers, de sorte qu'ils sont eux aussi des personnages fictifs et non un dénigrement de mes proches.

Et puis... voilà ! J'espère que t'es encore là et que tu liras le premier épisode !

mercredi 1 juillet 2015

Un an plus tard...

Ah bah oui, je sais, 1 an, c'est super long. Et je ne t'ai pas écrit entretemps. Je ne t'ai pas laissé d'articles à lire le week-end alors que tu trépignais d'impatience (ou en fait, pas du tout, mais laisse-moi penser que je t'ai manqué un peu) et je n'ai même pas terminé le scénario Sarajevo.

Bah, Sarajevo, après mon dernier article, je me suis pété le pied... En faisant du rafting sur la Neretva, comme je te l'avais raconté, un rapide un peu chaud, j'ai chaviré en essayant de rattraper un enfant et donc... Non, je déconne, je suis tomhée dans ma salle de bains... Oui, comme ma voisine de 90 ans, sauf qu'elle, elle tient sur ses jambes.

Bon, je dois reconnaître qu'après, ça a été un peu chiant de se balader avec un plâtre pendant 2 semaines, de bosser avec un plâtre, de dormir avec un plâtre, de semer du plâtre un peu partout derrière moi quand il pleut... Dans une ville faite de collines, je ne te fais pas un dessin. Je pense que tu comprends ma frustration. Et quand on m'a enlevé le plâtre, le médecin m'a ordonné de rester immobile pendant encore 2 semaines, c'est-à-dire jusqu'à mon départ. J'ai répondu "Da ! Da !" ("Oui, oui !"), avec mon plus beau sourire et, 10 minutes plus tard, je recommençais à cavaler en boitillant. 

J'ai fait des choses géniales, mais rien qui ne me paraissait digne d'en écrire un article. Attention, moi, ça m'a beaucoup plu. Mais je sentais que je m'adaptais de plus en plus à ma vie là-bas et que ce n'était pas nécessairement intéressant à lire ou à raconter. Ce qui était drôle (enfin, plus modestement, ce qui était un peu amusant), c'était de raconter mon choc géographique et culturel avec beaucoup de premier degré. Bien sûr, il y a plein de trucs dont j'aurais aimé te parler comme les arbres du Bosna Vrelo qui ont des feuilles jaunes dès le mois d'août, ce que personne n'est capable d'expliquer mais qui est probablement dû à une pollution du sol à cause de la guerre, les chiens errants de Bosnie qu'on croise en meutes en ville, qui sont redevenus sauvages et qui se mêlent aux loups près de Tuzla, les orphelins de Sarajevo receuillis par la commune Albertville pendant la guerre et pour lesquels j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps en regardant le docu qui leur était consacré au Festival WARM, les "héros" de guerre encensés dans un pays et poursuivis pour crimes de guerre dans un autre. Ouais, je sais, j'ai été flemmarde, peut-être que dans le lot, il y avait une histoire qui aurait pu t'intéresser.

Bref, j'ai quitté Sarajevo fin août et je suis partie à La Haye où je suis encore. Pour combien de temps ? Je ne sais pas trop. J'ai envie de te dire que j'y suis bien, que mon job est intéressant et que la ville est canon, mais tu sais bien que j'ai un problème avec la sédentarité et qu'un jour ou l'autre, je prendrai mon ordi sous le bras et que... On verra. 

Tout ça pour te dire que je ne sais pas si c'est ce délai d'un an depuis le début du blog, le fait d'avoir revu les potes de promo la semaine dernière, mon job épuisant en défense ou le fait que je n'ai rien écrit depuis des lustres, mais j'avais envie de peut-être ressuciter cet endroit si moyennement recommandable du net.

Ok, ça va, je sais bien qu'il n'y aura pas de déchaînement de commentaires "Owiiiii, reviens !! Tu nous manques tellement !". C'est juste un petit blog pour les potes et... quelques personnes intéressées, apparemment, puisqu'il y a eu des visites toute l'année jusqu'à hier. Bref, c'est un blog confidentiel et ça me plaît bien et si ça te plaît aussi, on pourrait revenir sur les rails... Comme quand on savait que ce soir, on dînerait à Sarajevo.

P.S. : Je ferai peut-être (sûrement) quelques articles sur Sarajevo, mais pas que. Je voudrais diversifier un peu le champ. J'ai déjà quelques idées, mais à toi de voir. En revanche, le seul sujet sur lequel je ne peux pas écrire, c'est la justice internationale, pour des raisons de confidentialité que tu comprendras.

P.P.S. : Et puis, si tu préfères que ce blog meurt de sa belle mort, ça me va aussi. On considèrera ce dernier post comme un "Allez, ciao ! Bisous ! Prends soin de toi !".

dimanche 27 juillet 2014

International Summer School of Sarajevo 2014... J'y étais !

Oui, je t'ai laissé 15 jours sans nouvelle et c'est pas bien, je sais ! Mais écoute, il m'est arrivé des trucs de malades et j'avais trop de choses à faire et blablabla... bah oui, je te sers les excuses classiques du blogueur en retard, mais je t'avoue que je n'ai pas mieux sous la main. En revanche, si tu veux savoir ce que j'ai fait pendant ces 15 jours, attention, ça va être... maintenant !

Donc, l'association pour laquelle je travaille m'avait inscrite à une summer school... Alors, je t'avoue, au début, j'étais dubitative. Je me demandais dans quoi je mettais les pieds. Et puis, les organisateurs m'ont fait parvenir la liste des intervenants et des participants et là, mon gars, j'ai ravalé ma fierté... C'est une putain de méga summer school de la mort !

Je t'explique : Pravnik et la Fondation Konrad Adenauer (Konrad Adenauer Stiftung pour nos amis germanistes qui ne manquent jamais une occasion de la ramener) organisent chaque année the International Summer School of Sarajevo. Concrètement, il s'agit d'une dizaine de jours de cours sur un thème relié à l'Ex-Yougoslavie. Cette année, cela portait sur les leçons à tirer de ce qui s'est passé ici en matière de paix et de sécurité.

Et c'était diablement génial ! D'abord, la sélection des participants : il faut être étudiant en Master 2 ou en doctorat. Le processus de sélection se clôture en mai, donc si tu veux candidater pour l'année prochaine, je te mettrai le lien vers leur site à la fin de l'article. Tous les participants de cette année avaient des backgrounds très différents : on avait une criminologue, des doctorants en science politique, des juristes, des activistes membres d'ONG. On était une quinzaine de nationalités représentées et c'était le pied (et venant de moi, tu sais que ce mot n'est pas employé à la légère) !


Sur le petit descriptif de la Summer School, il est mentionné que la formation s'adresse à des future decision makers... Eh ouais, mon gars, on est des future decision makers, t'as vu ! La classe, hein ?

Bon donc, j'ai rencontré des gens absolument génialissimes. Du côté des organisateurs, comme du côté des participants. On s'est promis de se revoir et pour le coup, je vais tout faire pour tenir cette promesse. Je dois visiter le centre de la jeunesse de Visnjia en Serbie, aller boire un verre à Amsterdam avec Wasja, prendre des vacances en Macédoine avec Alex, descendre une dizaine de rakis avec Anna (oui, le raki se boit par dix ici... et s'il y a bien un sujet sur lequel les Britanniques et les Français sont en total accord, c'est la picole !)... Bref, humainement, c'est du très lourd et à la fin, tu te dis que 10 jours, c'était beaucoup trop court.

Au niveau du contenu, les cours sont intensifs mais accessibles. Tout tourne autour du concept de justice transitionnelle et en 7 ans d'études de droit, je n'en avais jamais entendu parler, alors que c'est une notion charnière pour comprendre l'évolution des pays après un conflit armé. La justice transitionnelle regroupe l'ensemble des mécanismes qui permettent de stabiliser le pays, de le faire revenir à une situation "normale" et de faire face à son passé. C'est la grille de lecture qui me manquait pour comprendre les Balkans. J'avais des connaissances en vrac, maintenant je pense pouvoir les faire graviter autour de ce que j'ai appris pendant la summer school

Les intervenants sont des gros spécialistes de la matière. On a notamment eu une ancienne députée européenne qui bosse sur la question depuis plus de 20 ans et qui peut te raconter tous les événements sous son angle d'observatrice de premier rang. Le guerre en European motion, en somme... Et crois-moi, l'UE ne sort pas grandie de son inaction avant, pendant et après le conflit. Après, les intervenants veulent être aussi objectifs que possibles, mais parfois, tu sens que leur empathie naturelle reprend le dessus. L'un des enseignants nous a présenté les tensions entre Serbes et Albanais du Kosovo d'une manière que je trouvais historiquement contestable. L'une des participantes lui a volé dans les plumes quand il a évoqué l'attitude de la Slovénie qui, là encore, selon sa présentation, ne me semblait pas historiquement très rigoureuse, mais c'est tout l'intérêt du projet : les participants sont encouragés à intervenir, poser des questions, donner leur point de vue, contester les arguments. Et c'est vraiment motivant de pouvoir discuter, apprendre, débattre et finalement, avancer dans sa propre réflexion.

Le déroulement de la summer school est également bien ficelé. Les cours sont intensifs, mais l'emploi du temps nous a ménagé des périodes plus cools : visite de l'hôtel de ville de Sarajevo, de la Cour de Bosnie-Heerzégovine (que j'ai loupée à cause de mon pied en vrac), le fameux Sarajevo War Tour avec mon boss et la journée rafting sur laquelle je vais m'attarder un peu parce que franchement, c'était de la bombe !

Donc, la Neretva est une rivière du sud de la Bosnie. En fait, c'est en Herzégovine. Si tu te demandais la différence entre les deux, c'est assez simple : la Bosnie, c'est le nord et le centre du pays, l'Herzégovine, c'est le sud. 

Historiquement, la Neretva, c'était la limite que les Serbes et les Croates avaient retenue pour se partager le territoire de l'Herzégovine pendant la guerre. Radovan Karadzic a reconnu qu'ils s'étaient accordés pour que les Croates aient la rive gauche et que les Serbes gardent la rive droite. Bien entendu, personne n'a demandé leur avis aux Bosniaques, hein. Il y a d'ailleurs une blague qui circule ici : les Serbes et les Croates se seraient dit "tiens, au fait, on fait quoi des Bosniaques ?...  Bah, on a qu'à les foutre dans la Neretva !".

Bon, donc, c'est une rivière avec une lourde histoire. Et pendant qu'on la descendait, je me demandais combien de cadavres l'avaient descendue aussi...

L'intérêt d'y faire du rafting, c'est aussi la nature absolument splendide que tu traverses. C'est assez dingue : des canyons, de la végétation sauvage qui pousse là où tu te ne penses pas qu'elle puisse pousser, des forêts verdoyantes à flan de rocaille. ça m'a rappelé les alpes de haute-provence mais... beaucoup plus sauvage.

Au niveau de l'organisation de la sortie, c'était... c'était à la Bosnienne, il faut que je te montre ça ! Tu arrives le matin et on prend le petit déjeuner... le gros petit déjeuner, hein, on n'est pas là pour rigoler. Il est 10h du mat', on t'apporte un verre de raki... tout va bien !


 Le petit déjeuner des champions !


Ensuite, on te conduit au point de départ et c'est parti pour trois heures de descente. Notre skipper a grave assuré puisqu'il nous a arrêtés dans une petite crique dans un canyon pour qu'on puisse se baigner et plonger... Je te cache pas qu'elle est un peu fraîche, mais cette eau est d'une pureté assez hallucinante. Tu peux la boire sans problème. C'est juste qu'ici, ils l'appellent "l'eau qui ne désaltère pas"... C'est assez étrange parce qu'elle n'est pas salée, mais effectivement, elle désaltère moins... Enfin, on s'en fout, elle est pure, elle est buvable, elle est baignable, c'est tout ce qu'on lui demande !



Le rafting entre potes (parce que oui, à ce stade, on avait plus l'impression d'être un groupe de potes en vacances qu'un groupe d'étudiants en formation), c'est une joyeuse colo de vacances et le but, c'est de transgresser toutes les règles de sécurité communément admises. On a réussi à foutre à l'eau Enarda, l'Albanaise... 1 à 0 pour mon équipe ! Eh ouais, mon gars, à la Bosnienne, je te dis !

A la fin de la descente, il y avait un rapide un peu... taquin. Le genre de rapides où on te demande d'arrêter de déconner et de remettre gilet de sauvetage et casque. C'était fun, mais le mieux était à venir. On s'est arrêté en bas et le skipper nous a dit que si on voulait, on pouvait le remonter à pied... et le descendre à la nage ! Eh bien, écoute, quand tu vois la Neretva, tu ne doutes pas qu'elle puisse être agitée d'autant de courants... en même temps ! Non, c'était vraiment bien, j'ai bu la tasse une ou deux fois, mais c'est une expérience mémorable. C'est pas une pratique systématique donc si tu fais la descente de la Neretva en rafting, demande à ton skipper s'il peut vous faire faire la descente du rapide à la nage. Il saura de quoi tu veux parler.

 
C'est pas ce rapide là, je t'avoue que je n'avais pas pris mon appareil photo avec moi, hein. J'avais pas envie qu'il finisse dans la flotte.

Voilà, voilà, pour le reste, je te mets quelques photos prises pendant la semaine. Et si la Summer School te branche, RDV à la fin de l'article !

Notre point de départ et d'arrivée, un petit chalet-restau à flan de rocaille.

Le dîner des champions ! On était tellement nazes qu'on s'est endormi dans le bus du retour.

 
L'entrée du Sarajevo City Hall - l'hôtel de ville

Les autres photos sont prises à l'intérieur :

 

 


 
Il a été quasiment entièrement détruit pendant la guerre et les travaux de reconstruction se sont seulement achevés en 2011... Ils avaient commencé par ce toit en vitraux.


 
Le plafond de la salle du Conseil. Étrangement, le reste de la salle ressemble beaucoup à celle du Conseil de Paris. Je n'ai pas pu m'empêcher d'imaginer qu'ils y siégeaient les mêmes personnages rendus célèbres par le Petit Journal : Madame Ongle, la Vicomtesse, Rachida Dati... Oh merde ! 

Une vue des collines de Sarajevo depuis l'hôtel de ville. Chaque soir, pendant le Ramadan, un coup de canon y est donné pour signaler la rupture du jeûne (depuis les collines, hein, pas depuis l'hôtel de ville ! Je sais bien qu'on est dans les Balkans, mais quand même !).

La salle de réception de l'hôtel Europe, pour notre dîner d'ouverture.

Le dîner de clôture a eu lieu dans ce petit resto ravissant : The Four Rooms of Mrs Safja. C'est un restaurant dans une terrasse intérieure arborée avec tonnelles blanches et jeux de lumières, très lounge, absolument délicieux.

 

Kathleen, l'Allemande et moi... Ah bah là, t'as les deux grandes puissances de l'UE en une photo, quoi ! Future decision makers, on t'a dit :D !

 

Après le dîner de clôture, on est allé à Sloga. C'est un bar/piano bar/boîte aménagé dans un cinéma. Ils ont gardé l'autre salle et y projettent des films de temps en temps.


Bon, les DJ bossent sur Mac... Shit happens, hein !

Donc, pour la Summer School, ça se passe ici :
Je ne sais pas quand les candidatures pour la session 2015 seront ouvertes, mais suffit de leur envoyer un mail et ils te préviendront.
Bien sûr, tous les cours sont en anglais et c'est la langue pour communiquer entre participants, c'est l'anglais. 

Important ! Si t'es en M2, cette Summer School permet de valider des ECTS dans ton Master (entre 4 et 6). Le certificat qu'on te délivre à la fin permet d'en attester. Et la Summer School édite sa propre revue de droit international dans laquelle tu as la possibilité d'écrire un article sur le thème de ton choix (pourvu qu'il ait un lien avec la Summer School), ce qui est toujours sympa sur le CV.